■ À l’occasion de la sortie en DVD, la semaine dernière, du film Caos Calmo, voici ma critique publiée sur Box(e) movies.
Caos Calmo est un grand film. Un grand film poignant et poétique. L’histoire de cet homme, Pietro, qui se retrouve « seul », avec sa fille de 10 ans, après le décès soudain de sa femme nous touche, mais sans tomber dans un pathos extrême, et pourtant logique. Et cela grâce à l’immense talent de Nanni Moretti qui, paradoxalement à son statut de veuf, est enclos à une absence totale d’émotions, tout du moins de « crise » et de « tristesse ». C’est là la première force et originalité du film, de ce pari risqué, néanmoins réussi.
Pietro, veuf étrangement calme (Nanni Moretti).
Par la suite, l’histoire développe l’évolution de ce deuil peu commun et, surtout, la nouvelle relation qui naît entre un père peut-être trop absent et sa fille, peut-être pas tant que ça en manque de (re)pères. Cette raison de vivre semble nouvelle pour Pietro, comme si le paternel prenait -enfin- conscience de ce qui lui était cher, et que le reste, travail, argent, loisirs, n’avait -finalement- guère d’importance. Certes cela peut paraître un poil trop cliché, trop facile même, mais pourtant ça marche grâce à la mise en scène fluide d’Antonello Grimaldi, et la performance de Moretti bien sûr. Dont on attend, avec lui, cet éclat en sanglot, celui qui viendra briser ce « chaos calme » qui règne dans son corps.
« Et la magie opère, le spectateur suit ce petit bout de vie de personnages attachants avec plaisir et émotion »
On pense donc qu’on va accompagner la nouvelle vie de Pietro entre son bureau, sa maison et ses nouvelles responsabilités envers sa fille. Finalement on ne va le suivre qu’autour d’un endroit unique et insolite : un petit parc situé en face de l’école de la petite Claudia, sa fille (subtile et douce Blu Di Martino). À partir de là, un défilé de personnages secondaires va rendre visite à Pietro et se confier à lui. Certains leur parlent de leur incompréhension face à cette situation, comme ses collègues (Berling, Podalydes…) et sa famille, (son frère et sa belle-sœur, excellents Alessandro Gassman et Valeria Golino). De parfaits inconnus sont aussi de passage autour de Pietro (un handicapé mental, une joggeuse… (SPOIL : Et même Roman Polanski)) et vont devenir des pièces maîtresses dans cette nouvelle bulle de vie.
Pietro et son frère, sur le fameux banc du parc (Nanni Moretti et Alessandro Gassman).
Et la magie opère, le spectateur suit ce petit bout de vie de personnages attachants avec plaisir et émotion, le tout ponctué par une sublime musique composée par Paolo Buonvino, qui avait déjà officié sur Napoléon (et moi), Leçons d’amour à l’Italienne, Romanzo criminale, et Souviens-toi de moi, entre autre. Ces chansons enivrantes accompagnent mélancoliquement la nouvelle vie de Pietro. Le morceau Pyramid Song, de Radiohead, envoûte encore plus le spectateur lors d’une séquence mémorable, lorsque la douleur se présentera enfin…
« Pietro est avant tout un humain, il a besoin de sexe, de toucher un corps, de faire l’amour, de jouir »
La fameuse scène de sexe (avec la magnifique Isabella Ferrari), crue et sauvage, qui vient casser tout ce qui avait été instauré dans le film, permet de montrer avec habilité, à nouveau le côté humain de Pietro. Car si ce contraste brutal survient vers la fin du film ce n’est pas vraiment pour nous faire croire que Pietro a fait son deuil et qu’il peut passer à autre chose. Non, Pietro est avant tout un humain, il a besoin de sexe, de toucher un corps, de faire l’amour, de jouir. Pense-t-il encore à sa femme ? Y a t-il, de toute façon, déjà pensé autant avant qu’elle soit morte ? Au spectateur de trouver sa propre réponse.
Pietro et la belle Eleonora (Nanni Moretti et Isabelle Ferrari).
Parmi tous les personnages qui tournent autour de la vie de Pietro, autour de son banc, dans ce petit parc face à l’école de sa fille, finalement ce sont deux femmes, inconnues, qui deviendront les plus importantes. L’une, accompagnée de son chien, sera un peu comme le spectateur, intriguée face à cet homme seul, un peu bizarre et que tout le monde embrasse. (SPOIL L’autre, celle avec qui il aura ce rapport sexuel violent, est, paradoxalement, la femme qu’il aura sauvé d’une noyade au début du film, au moment où son épouse meurt…)
« Un grand film poignant »
Le seul défaut du film serait peut-être sa longueur. Car en plus d’un rythme déjà lent, ce qui n’avantage pas le spectateur, le film est long, un peu moins de deux heures. Un montage plus court, moins dense aurait été apprécié. Mais peut-être qu’ainsi le long-métrage nous paraît plus réaliste. Comme l’ont souligné certains médias, si Moretti avait lui-même mis en scène cette histoire, tiré d’un roman éponyme de Sandro Veronesi, peut-être que Caos Calmo aurait séduit davantage de monde.
Peu importe, il n’en reste pas moins un grand film poignant.
■ À propos de cette critique : Je l’aime beaucoup ! Ce qui est plutôt rare… En effet je trouve qu’elle se lit « bien », qu’il y a une linéarité claire et agréable, l’ensemble est « fluide ». Tous les éléments sont là : le casting, l’histoire, les bonnes choses, les moins bonnes, la musique, etc. Je n’ai pas parlé de la photographie du film car elle reste très basique. Le texte est sensiblement différent que celui déjà en ligne sur Box(e) movies, quelques modifications mineures, pour plus de clarté. Bref un film coup de cœur qui vous bouleverse pas mal après la projection. Je vous invite à lire la critique de Mathieu Stosse, toujours sur Box(e) movies, qui lui n’a pas aimé du tout, quel homme insensible !