Un film d’Aronofsky suscite toujours une attente incommensurable et Black Swan ne déroge pas à la règle. En chantier depuis une dizaine d’année, le dernier né du réalisateur de Requiem for a Dream est sorti le 9 février 2011.
Quid de ce Black Swan ? Le célèbre ballet Le Lac des Cygnes est revisité dans un univers dramatique et onirique : Nina (Natalie Portman) cherche à décrocher le rôle de la Reine des Cygnes dans l’adaptation que dirige Thomas (Vincent Cassel). Surprotégée par sa mère (Barbara Hershey) et prête à tout, elle est rapidement confrontée à sa concurrente Lily (Mila Kunis) ainsi que ses démons intérieurs.
Black Swan s’ouvre sur une scène de danse incroyable avec une image granuleuse : le film ressemble à un documentaire. C’est voulu. Comme pour son précédent métrage, The Wrestler, Aronofsky a souhaité coller au plus près de son personnage avec un style docu/réaliste (il voit d’ailleurs Black Swan et The Wrestler comme un diptyque, les deux se complètant). Au fur et à mesure, l’image devient d’ailleurs beaucoup plus nette, lisse, plus on arrive vers la première publique du ballet, plus la photographie devient « numérique ».
« Natalie Portman au sommet de son art »
Le casting est très bon (Vincent Cassel joue un rôle qui revient souvent dans sa filmographie mais il reste efficace). Les autres seconds couteaux sont parfaits, à commencer par la mère de Nina (glaçante Barbara Hershey). La concurrente (terrible Mila Kunis) et la star déchue (Winona Ryder) excellent aussi. Mais c’est surtout, et évidemment Natalie Portman qui est au sommet de son art. Sa fragilité, sa sensualité, son obsession, tout l’habite, le spectateur aussi. On souffre avec elle, on a envie de lui donner quelques claques et on a peur de son côté noir.
La mise en scène reste sobre mais très travaillée : les jeux de miroir ne se comptent plus et les quelques plans séquences procurent des frissons. À commencer par l’ouverture et -surtout- la scène finale (les dix dernières minutes sont véritablement intenses, on reste scotché à son siège), ce moment où Nina se lâche complètement pour devenir ce Black Swan est inoubliable : à la fois beau, délivrant, et angoissant (chapeau aux effets spéciaux au passage).
La musique de Clint Mansell est magistrale. Son travail de composition, superbe, nourri les scènes avec une intensité dramatique hors pair. Il reprend avec brio les partitions de Tchaïkovski pour mieux les recracher dans une ambiance violente.
« Un ballet schizophrénique touchant (…)
un chef d’œuvre, une tragédie moderne et fantastique. »
On peut reprocher au cinquième film de Darren Aronofsky un manque de surprise, tout est quasiment prévisible, pour peu qu’on ait vu la bande-annonce et The Wrestler. Néanmoins, plusieurs niveaux de lecture sont clairement indiqués et on prendra plaisir à voir et revoir ce ballet schizophrénique touchant. Certes Black Swan retourne moins l’estomac que Requiem for a Dream, certes il émeut moins que The Fountain et The Wrestler mais il n’en demeure pas moins un très très bon film.
L’impact produit par la fluidité et la douceur des pas de danse, la fureur et la crasse dégagées par la danseuse, mélangées aux sonorités bouleversantes et poignantes de Mansell font de Black Swan un chef-d’œuvre, une tragédie moderne et fantastique.
■ Rédigée en très peu de temps et sur un coup de tête, cette critique est à la base une réponse (en commentaire) d’un billet sur Black Swan par un blogueur ami qui n’a pas aimé. Il faut que je revois le film et que je travaille sur une analyse plus poussée. En attendant, ça donne un avant-goût. Enfin bref, allez le voir. (Oui je sais, le titre est naze.)
■ MàJ (11/02/11) : Réécrite (un petit peu) aujourd’hui pour le webzine Ça Dépend Des Jours ! J’aime beaucoup la mise en page du site ! Je trouve que le texte et les images choisies rendent très très bien.
Black Swan est le double de The Wrestler, c’est certain. Ou plutôt son image inversée, son reflet La grâce de Natalie contre la force bestiale de Mickey. Et leur nuque en gros plan comme dans un film des Dardenne.
Je ne dirais pas que la mise en cène est sobre (chez Aronofsky rien n’a jamais été sobre, de toute façon), elle est tout en miroirs, en éclats (de verre, de voix),comme les acteurs dont les traits se fondent (Ne te Retourne pas en prend un coup). Fascinant d’ailleurs de voir à quel point Poortman ressemble à Hersley, sa mère dans le film. Du coup, comment ne pas penser pendant un moment clé (mais chuuut) à la scène du viol (ultra sensuel) dans The Entity.
En résumé, je dirais que Black Swan est la parfaite synthèse de Deadringer, Videodrome, Crash et Mister Butterfly. Soit sans doute un des meilleurs films de… Cronenberg ;-)
(j’ai tapé ça encore plus vite que toi, à la volée, ce n’est rien d’autre qu’une réaction à chaud. Ha oui, j’ai aimé bien sûr. Moins que « Requiem », mais quand même…)
Quand je dis « sobre » c’est dans le sens où il n’y a pas de plans-séquences de foufou, d’images saccadées, ou de plans hypnotiques, ou encore de décors impressionnants, à l’inverse des ses précédentes réalisations. Toutefois oui son jeu de miroirs et sa mise en scène n’en sont pas moins parfaits :)
« la fureur et la crasse dégagées par la danseuse »
Ah. Tu ne voulais pas dire « grâce » ? ;)
Du tout, c’est bien le mot crasse que j’ai choisi, volontairement. Plusieurs m’ont fait la réflexion, ça m’amuse ^^