The Artist : lorsqu’un film muet fait plus rêver qu’un parlant.

Le projet s’avérait délicat, casse-gueule, courageux, fou : un long-métrage muet, en noir et blanc et français qui plus est ! Pourtant, The Artist s’avère être l’un des meilleurs films de ces derniers mois, grâce au talent de Michel Hazanivicius, réalisateur des deux OSS – 117 avec Jean Dujardin, que l’on retrouve ici au sommet de son art —récompensé par le prix d’interprétation masculine au dernier Festival de Canne— et Bérénice Béjo, qui mérite tout autant un prix.

Hommage au 7ème art des années 1920, The Artist raconte l’histoire d’amour entre George Valentin (Dujardin), vedette de cinéma muet, et Peppy Miller (Béjo), jeune figurante qui va devenir une véritable star du cinéma parlant, concept auquel George refuse de participer. C’est grâce à lui qu’elle débute dans le milieu, c’est pendant son ascension qu’il sombre dans l’oubli…

Si le pitch de départ n’est pas forcément très alléchant, le film jouit d’une solide réputation, à commencer par son triomphe au Festival de Cannes et l’ensemble des critiques élogieuses qui ont suivies. Celle-ci ne fait qu’ajouter sa pierre à l’édifice. The Artist offre, paradoxalement, un « nouveau » cinéma. Amateur ou non de film muet, on (re)découvre un long-métrage où la mise en scène et le jeu des acteurs sont encore plus primordiales. La musique envoûte chaque séquence, on sourit souvent, on a les larmes aux yeux, puis on sourit de nouveau, puis un pincement au cœur se ressent ; un enchaînement d’émotions en continu. C’est rare, c’est magnifique.

Le duo français Dujardin/Béjo fait mouche, le reste du casting -américain- vient sublimer le récit : John Goodman (Barton Fink, The Big Lebowsky), producteur grognon, drôle ; James Cromwell (Larry Flint, Six Feet Under) en chauffeur/domestique de Georges, très attachant, comme toujours et même Malcom McDowell (Orange Mécanique) fait une courte apparition.

Tourné « évidemment sans prise de son », le réalisateur reconnaît un « pari risqué parti d’une idée un peu folle ». Mais un concept qui a immédiatement séduit Thomas Langmann, fils de Claude Berri, déjà producteur de films français à grand budget, comme Astérix aux Jeux Olympiques, mais surtout le diptyque sur Mesrine. « Je n’ai eu aucun doute, j’ai tout de suite voulu financer ce film, j’ai adoré son histoire, j’avais confiance en Michel », assure le jeune homme, heureux de voir son sa production saluée par le public et la critique.

theartist

Jean Dujardin révèle à nouveau son immense talent : il joue de différentes façon dans The Artist, son rôle de George Valentin, mais aussi son rôle de « Georges Valentin acteur », une mise en abîme subtile, dont on perçoit toute la différence à l’écran : « il n’y a pas de secrets, je ne me rends pas compte de cette différence de jeux, je suivais surtout les directives de Michel ! »

Les acteurs avaient un texte,  pour qu’on puisse lire sur leurs lèvres les principaux dialogues, pour le reste ils étaient libres, « John Goodman improvisait énormément par exemple ! », explique le réalisateur. Dujardin reconnaît qu’il a eu « l’honneur de jouer avec des pointures américaines, mais qu’au final il n’était pas si impressionné que ça : chacun faisait son boulot, dans une bonne ambiance, c’était fantastique ! »

The Artist est une œuvre originale, touchante mais qui n’est pas réservée à un public cinéphile. Le « grand public » peut y trouver son compte, s’il accepte de partir dans cette aventure humaine, historiquement riche dans l’histoire du cinéma. Cette transition de l’époque du muet au parlant, la même qu’ont vécu Chaplin et Keaton, cette période qui changera le monde du septième art à tout jamais.

Et pourquoi pas une projection avec un orchestre dans la salle ? Comme dans les années 20′ justement ! « Si le film marche, si le succès est là, alors pourquoi pas vers la fin de l’exploitation, en guise de remerciements… » conclut le metteur en scène.

* propos recueillis lors de l’avant-première exclusive organisée par allociné.

■ Une version plus longue, rédigée à quatre mains, est disponible sur Ça Dépend des Jours. Je n’ai jamais revu le film depuis sa sortie, en 2011, mais il y a de grandes chances que je l’apprécie toujours autant.

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